Mission de rang D : Changer les fleurs du cimetière d'Oto

Il est 7 heures. La vie est dure et injuste, mais c'est ainsi... La pendule résonnait encore et encore à travers la pièce. Un bruit long, monotone et tapageur.
Yuuki restait étendu sur son lit, ses mains faisaient office d'oreiller, ses yeux fixaient le plafond encore sombre. Une nouvelle journée allait commencer. Un recommencement perpétuel... Cette nouvelle vie à Oto commençait à devenir lassante, il ne se passait strictement rien. Oh, il avait bien entendu les bruits des badauds dans la rue, il paraîtrait que de nombreux académiciens ont été promus Genin cette année, mais il n'en avait que faire. Cette vie à Oto l'a endurci. L'ancien Yuuki se serait sûrement précipité pour se présenter, les apporter aide et conseils. Qu'est-il arrivé à ce si doux Ninja? Yuuki ne s'était même pas posé la question. Quelle utilité cela lui apportait d'ailleurs, de réfléchir à ces questions qui demeureront sans réponses? Il devait se préoccuper de sa propre survie avant des autres. En y pensant personne ne se soucierait de lui s'il mourrait... Ici, il n'est considéré seulement comme un Etudiant de Konoha venu apprendre les rudiments de la musique. Il n'a jamais eu ce sentiment d'intégration à Oto, jamais...
Hors mis avec son ami Fuuseko Gekkou. Combien de missions avaient-ils accompli ensemble? Ah ! Il se souvenait encore, du jour où ils ont dû affronter ces monstres des montagnes pour protéger Oto. Le jour de leur rencontre... Le jour où il s'est fait accepter pour la première fois dans ce village...
En y pensant, qu'est devenu Fuuseko, ce ninja à la fois si volage et si tête brûlée? Il était si occupé à prendre soin de lui-même qu'il en avait oublié son ami.
Les pas réguliers de la trotteuse de l'horloge le tirèrent vite de ses pensées.
Il dégagea sa lourde couverture, sortit avec une lenteur affligeante de son lit. Ses pieds nus se posèrent le bois froid du plancher. Toilette faite, petit déjeuner pris, il marchait jusqu'à la sortie, le craquement du bois le suivant à chaque pas.
Au seuil de la porte, il s'équipa de lourdes bottes en caoutchouc, d'un imper noir descendant jusqu'à ses genoux, et porta d'un bras les chrysanthèmes, et un baril d'eau de l'autre, ses mains fourrés dans ses poches.
Aujourd'hui, sa mission était la suivante : "Changer les fleurs du cimetière d'Oto."
L'air était humide et pesante, il leva ses yeux au ciel, les nuages étaient chargés, cachant le Soleil, Astre qu'il n'a plus vu briller depuis longtemps.
Comme d'habitude, à chaque fois qu'il allait au cimetière, une averse déferla sur Oto.

Chaque foulée qu'il faisait entraînait un clapotis et imbiba un peu plus ses pieds de cette eau glacée, chaque mouvement qu'il faisait produisait le son désagréable du caoutchouc se frottant à l'eau. Le vent tapait sur son visage, ses mains quoiqu'enfoncées au fin fond de ses poches demeurèrent violettes et bien qu'il portait une capuche et un imperméable, il était trempé jusqu'aux os. Si ce n'était pas une mission pour les Morts aux combats, il aurait certainement abandonné, quitte à perdre son salaire.
D’ailleurs, il était arrivé à destination, le décor pétrifierait le premier venu. Oooh non, ça n’avait rien à voir avec celui de Konoha où une imposante sépulture gris métal était plantée sur une végétation dense et harmonieuse. Bien au contraire, on aurait dit que la nuit et les ténèbres restaient en permanence ici, l’herbe qui recouvrait le sol était jaune et sèche. Au loin, étaient plantés des saules, pleureurs, dont le peu de feuillage qui restait descendait jusqu’aux marais boueux renforçant ce paysage triste et lugubre. Là, on n’entendait que le battement des vols des corbeaux, et leur croassement, et on ne pouvait rien voir de vivant que leurs pelages, et leurs pattes qui se posaient sur les sépultures anciennes recouvertes en partie de lichen. Il avait vu juste.... Personne, ici ne se préoccupait, ni n’accordait d’importance aux morts.

*Les ninjas ne sont que des objets. Dès qu’ils sont usés, ils finissent à la poubelle…*

Yuuki sortit la clé d’argent de sa poche, déverrouilla le cadenas, qui d’ailleurs ne servait à rien, --qui aurait eu le courage de profaner un paysage aussi terrifiant ?- et ouvrit les portes du grillage du cimetière, un pénible crissement suivait ce mouvement. Il ne lui restait plus qu’à déposer les chrysanthèmes dans chaque tombeau. Un travail plutôt long et dur puisque le nombre de morts à Oto se comptait par milliers… Enfin bref… Yuuki passait dans chacune des tombes, observant de temps à autres le nom des ninjas, il semblerait qu’à Oto, l’enterrement était traditionnel, les membres de la famille étaient enterrés côte à côte.

Ce n’était pas sa mission, et bien qu’il ait endurci, Yuuki restait quand même Yuuki, il nettoyait donc certaines tombes s’il les trouvait trop détériorés et enlevait les couches de mousses qui s’étaient installés depuis on ne sait combien de temps. D’ailleurs, combien de familles revenaient voir leurs membres décédés ? Il n’y avait que de très rares bouquets de fleur, et d’encens qui montraient que les Otoniens avaient encore une part d’humanité… Etait-ce ainsi que sont traités les hommes qui ont sauvé ce village ? Le genin était révolté. Se dévouer corps et âme pour obtenir ça, c’était pitoyable… Mais il n’avait rien à redire… Il continua donc sa mission, ses mains étaient glacées, son dos souffrait mais cela l'importait peu tellement il était préoccupé avec cette histoire.

« Dure journée pour bosser hein ! »

Ses pensées disparurent par cette voix rauque, il se retourna. Son regard se fixa sur l’homme qui l’avait interpelé. Au vue de sa pelle et sa carrure, c’était un fossoyeur de quarante ans, il portait une salopette bleue, sous laquelle se trouvait une chemise grise. Étrangement son visage lui paraissait familier, mais le Shinobi ne parvenait pas à s'en souvenir et ne voulant pas s’engager dans une conversation quelque peu inutile, il se contenta d'acquiescer d'un signe de tête avant de poursuivre son travail tandis que l’homme continua le sien.
Il était aux alentours de 9 heures, le temps restait inchangé, la pluie continuait de se verser sur les tombes rénovées, il semblerait qu’il pleuve toute la journée aujourd’hui… Yuuki avait effectué le même mouvement depuis 2 heures ; nettoyer la tombe, déposer des chrysanthèmes, arroser les chrysanthèmes, et le voici en train de faire pour la dernière fois ce mouvement.
Il scruta rapidement la pierre tombale, « date de mort 750 », cet homme était mort il y a dix ans, un homme mort au combat durant la troisième guerre mondiale secrète vraisemblablement. Yuuki y déposa des chrysanthèmes, fleurs de la mort, et salua respectueusement cet homme mort pour son peuple. Il se releva, remportant le bouquet de chrysanthème qui restait avec lui. La journée a été dure, mais il était au fond ravie d’avoir aidé ses patriotes.
Il s’apprêtait à sortir quand il remarqua que le fossoyeur de tout à l’heure essayait tant bien que mal à faire rentrer le tombeau du malheureux. Et puisque le Genin était ici, autant l’aider, par un temps aussi mauvais, tout le monde voudrait rentrer chez eux le plus vite possible. Yuuki lui proposa alors son aide, ce qui ne fut pas de refus. C’était un tombeau en bois, sculpté finement par un bon artisan.

« Dites, pourquoi vous faites ce travail solo ? C’est pas le travail d’un fossoyeur non ? O_O »

Surpris, l'homme lui répondit : « Oh oh, j’ai l’air d’un fossoyeur ? Non, je suis l’oncle de cette personne… Payer un fossoyeur et des hommes pour enterrer revient cher. »

L’homme lui adressa un sourire forcé et Yuuki en fit de même. Enfin, après une dizaine de minute le tombeau fut installé et la terre recouvrit ce tombeau suivie d’une plaque de marbre. L’homme posa alors la pierre tombale encore vierge. Il était agenouillé, ses yeux semblaient dire tellement de choses, des yeux marrons… cet homme semblait de plus en plus familier. Il paraissait différent des autres Otoniens… Quand déjà a-t-il ressenti ce sentiment ? L’individu n’aperçut pas que Yuuki le fixait étrangement, il fixait inexorablement la plaque de marbre, comme un égaré cherchant en vain un chemin… Extirpé de ses pensées pour une raison inconnue, il ouvrit en toute hâte son sac, et sortit un objet d’une longueur plutôt imposante emballé maladroitement par un drap auburn. Ses mains déposèrent cet objet sur ses genoux, il déplie le drap avec délicatesse et attention. C’était un katana.
Encore une fois, Yuuki eut un sentiment de déjà-vu. Ce katana ! Il était sûr de l’avoir vu quelque part ! Où ? Quand ? Pourquoi ? Un frisson parcourut son corps… non… ça ne pouvait pas être ça… Impossible… il refusait d’y croire…
L’homme mit le katana dans son fourreau, et le tenant par les paumes des mains, il déposa lentement l’épée sur la plaque de marbre. Quelques larmes coulaient le long de son visage.

« Tes parents… auraient tellement voulu que tu réussisses à le manier…. Fuuseko… »

Yuuki recula d’un pas. Il resta pétrifié comme s’il avait reçu un coup de poignard sur le coeur. Il refusait de croire ce qu’il avait entendu… Comment était mort son seul ami ? Pourquoi n’a-t-il même pas été prévenu par l’autorité d’Oto ? Son existence était-il si peu important aux yeux des hautes sphères ? Il laissa l’homme auprès de la tombe, rien n’est mieux que de pleurer sans le regard indiscret des autres.
Il savait… il savait que son ami était mort, la raison et la cause il s’en moquait.

Il pleuvait abondamment. Tête baissée, encapuchonné, mains fourrées dans les poches, il marchait lentement vers le pont aux ruelles boueuses d’Oto. De là, il s'accouda au bord de l’arc en bois du pont, il observait la rivière d’Oto passant sous le pont, se remémorant des moments passés en compagnie de Fuuseko, l'élaboration d'une technique de duo, sa première mission de groupe… C’est toujours quand quelqu’un disparaît qu’on s’aperçoit qu’il était important à nos yeux… Il posa doucement le bouquet de chrysanthème sur le cours d'eau. A travers cette pluie éternelle, on ne pouvait distinguer si ce qui perlait sur son visage étaient des gouttes d’eau ou des larmes.

[RP Dédiée à une amie...]

Ok

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» Mission de rang D : la cueillette des fleurs.
» Mission D : La chasse aux fleurs